Le Lac Méditations poétiques Alphonse de Lamartine
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Le Lac • Méditations poétiques - Méditation n° 14 • Alphonse de Lamartine (1790-1869) • Lecture : AB • Portrait de couverture : François Gérard • Illustration de fond : William Turner • Fond musical : Moonlight Sonata - L. v.Beethoven (YouTube Audio Library) • Musique outro : A Quiet Thought - Wayne Jones (YouTube Audio Library) • Texte : • Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages, • Dans la nuit éternelle emportés sans retour, • Ne pourrons-nous jamais sur l’océan des âges • Jeter l’ancre un seul jour ? • • Ô lac ! l’année à peine a fini sa carrière, • Et près des flots chéris qu’elle devait revoir, • Regarde ! je viens seul m’asseoir sur cette pierre • Où tu la vis s’asseoir ! • • Tu mugissais ainsi sous ces roches profondes ; • Ainsi tu te brisais sur leurs flancs déchirés ; • Ainsi le vent jetait l’écume de tes ondes • Sur ses pieds adorés. • • Un soir, t’en souvient-il ? nous voguions en silence ; • On n’entendait au loin, sur l’onde et sous les cieux, • Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence • Tes flots harmonieux. • • Tout à coup des accents inconnus à la terre • Du rivage charmé frappèrent les échos : • Le flot fut attentif, et la voix qui m’est chère • Laissa tomber ces mots : • • « Ô temps, suspends ton vol ! et vous, heures propices • Suspendez votre cours : • Laissez-nous savourer les rapides délices • Des plus beaux de nos jours ! • • « Assez de malheureux ici-bas vous implorent, • Coulez, coulez pour eux ; • Prenez avec leurs jours les soins qui les dévorent, • Oubliez les heureux. • • « Mais je demande en vain quelques moments encore, • Le temps m’échappe et fuit ; • Je dis à cette nuit : Sois plus lente ; et l’aurore • Va dissiper la nuit. • • « Aimons donc, aimons donc ! de l’heure fugitive, • Hâtons-nous, jouissons ! • L’homme n’a point de port, le temps n’a point de rive ; • Il coule, et nous passons ! » • • Temps jaloux, se peut-il que ces moments d’ivresse, • Où l’amour à longs flots nous verse le bonheur, • S’envolent loin de nous de la même vitesse • Que les jours de malheur ? • • Eh quoi ! n’en pourrons-nous fixer au moins la trace ? • Quoi ! passés pour jamais ? quoi ! tout entiers perdus ? • Ce temps qui les donna, ce temps qui les efface, • Ne nous les rendra plus ? • • Éternité, néant, passé, sombres abîmes, • Que faites-vous des jours que vous engloutissez ? • Parlez : nous rendrez-vous ces extases sublimes • Que vous nous ravissez ? • • Ô lac ! rochers muets ! grottes ! forêt obscure ! • Vous, que le temps épargne ou qu’il peut rajeunir, • Gardez de cette nuit, gardez, belle nature, • Au moins le souvenir ! • • Qu’il soit dans ton repos, qu’il soit dans tes orages, • Beau lac, et dans l’aspect de tes riants coteaux, • Et dans ces noirs sapins, et dans ces rocs sauvages • Qui pendent sur tes eaux. • • Qu’il soit dans le zéphyr qui frémit et qui passe, • Dans les bruits de tes bords par tes bords répétés, • Dans l’astre au front d’argent qui blanchit ta surface • De ses molles clartés. • • Que le vent qui gémit, le roseau qui soupire • Que les parfums légers de ton air embaumé, • Que tout ce qu’on entend, l’on voit ou l’on respire, • Tout dise : Ils ont aimé ! • Nous soutenir sur Utip : https://www.utip.io/monlivreaudio
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