La Désalpe

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Chères montagnes de Haute-Savoie, • Depuis plusieurs mois je songe à vous envoyer ces quelques mots. Nous nous croisons de temps en temps, aux détours d’une randonnée, et je vous admire de loin, en silence. Vous avez peut-être même vu mes yeux briller quand ils parcourent vos sommets étincelants. • Mais si, selon l’adage, le silence est d’or, les paroles gardent le pouvoir de donner du sens aux liens les plus forts. Me voici donc aujourd’hui. • Je suis dans né dans une autre région de montagnes, les Cévennes. Là-bas aussi depuis des générations les hommes ont appris à vivre au contact d’une nature à la fois généreuse et redoutable. • C’est il y a plusieurs années maintenant que j’ai redécouvert vos reliefs. C’était au mois de novembre. J’étais épuisé par un rythme de vie effréné. Puis, dans cette tempête du quotidien, une éclaircie et l’opportunité de partir quelques jours. J’avais soudain une envie irrésistible de grands espaces, de paysages enneigés et de feux de cheminée. • Alors je suis venu, j’ai vu, j’ai revécu. • Depuis, il se passe rarement une année sans que nous ne passions de longs moments ensemble, de préférence hors-saison, lorsque vous vous reposez aussi à votre tour. J’ai appris peu à peu à connaître vos noms, vos cycles de vie, mais aussi vos habitants, si patients avec ceux qui, comme moi, ne sont que de passage. • J’ai ainsi fait la connaissance de Bruno et de son épouse Barbera. Bruno est un passionné de vaches Hérens, ces vaches noires qui vivent dans les alpages, en altitude, et qui luttent spontanément à la sortie des étables en mai pour élire leur reine. Bruno m’a expliqué en détail leur mode de vie, mais aussi les traditions qui ont court autour de ces bêtes magnifiques en vallée d’Aoste, de Chamonix et du Valais. • Et un jour, j’ai gagné le gros lot. Bruno m’a invité à participer à la désalpe, qui consiste à faire descendre les vaches en plaine après plusieurs mois passés à l’alpage. • Les vaches de Bruno paissaient à proximité du Refuge des Prés, sur la commune des Contamines-Montjoie, à plus de 1900 m d’altitude. Cette aventure était l’occasion d’y passer la nuit. • Le lendemain matin, Bruno et sa famille sont venus nous rejoindre. La première tâche de la journée consistait à rassembler les vaches et à les mettre en ordre de marche. • Ensuite, c’est allé assez vite. Le troupeau s’est ébranlé dans la joie et la bonne humeur, et a dévalé la montagne sans perdre de temps, encadré par Bruno et sa petite équipe attentive. • Les quelques randonneurs que l’on croisait étaient médusés mais heureux d’assister à un tel spectacle. • Quelques dizaines de minutes plus tard nous avons rejoint la plaine, où les vaches allaient passer encore plusieurs semaines, au cœur d’un paysage à couper le souffle une fois de plus. Enfin, notre souffle à nous, parce que ces dames avaient vite retrouvé leur sens aigu des priorités gastronomiques. Puis nous les avons laissées sous votre bonne garde. • Chères montagnes, depuis ce souvenir ne me quitte pas. Et lorsque à nouveau ma vie s’emballe, lorsque je sens autour de moi, parfois même en moi, une tornade suractive entamer sa spirale, je reviens en pensée à ce moment hors du temps, je respire les odeurs des sous-bois tièdes à la fin de l’été, j’écoute les cloches des vaches donner la pulsation d’une autre vie possible et je plonge mes yeux dans l’horizon apaisant de vos crêtes majestueuses. • C’est généralement à ce moment-là que j’envisage notre prochain rendez-vous. Je compte ensuite les jours, jusqu’au moment où enfin, au détour d’un virage, votre silhouette familière apparaît. • À très vite. • Sincèrement, • Stéphane • Une production Oraterra. • Texte et voix off : Stéphane Ozil • https://linktr.ee/oraterra

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